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Yallah ! Shalom !

 Yallah ! Allez ! on y va !  en arabe.  Shalom ! La paix en hébreu. 

Lorsque l’on parle des territoires palestiniens on pense immédiatement à la bande de Gaza, aux affrontements permanents mais qui pense à la Cisjordanie ? Et pourtant. C’est ici dans ce territoire où toutes les religions affleurent aux portes du désert que les prémices de la paix se construisent en silence, sans violence, sous l’égide des femmes. 

Oui, c’est à Hébron ou à Jéricho que les populations voudraient re-vivre ensemble. Oui, c’est dans le désert de Judée que l’éducation est la clé d’une nouvelle liberté. Ici et là, à Bethléem, Tal Al Qamar, Jéricho, Reshayda, Beni Haim, Hébron, Bethléem, les femmes sont partout et nulle part à la fois. Naufragées sur une terre découpée en zones, elles oeuvrent en silence mais avec force.  Elles se battent pour leur liberté et leur indépendance, contre la guerre et face à une société patriarcale dont elles subissent les limites, prônant l’éducation, le dialogue, la paix, le retour à la vie, avec le désir de se sentir à nouveau chez soi tout en accompagnant le développement d’une société plus moderne. 

Malheureusement, la guerre fait souvent parmi le plus grand nombre de victimes, les femmes. Selon l’ONU, 75 % des personnes déplacées pendant les guerres seraient des femmes et des enfants. Et pourtant ce sont souvent elles qui portent l’espoir d’une nouvelle vie, par l’instinct de survie, par l’éducation, par la cohésion sociale, par la transmission d’une culture et des valeurs de paix. 

Sur le sentier d’Abraham, imaginé par l’université d’Harvard en 2004, dans le cadre du projet « Abraham Path Initiative », qui relie l’Irak, la Palestine, la Syrie et la Turquie sur près de 400 km, les femmes de Jéricho à Hébron surpassent les coutumes, les dogmes, les dieux, pour tenter de surpasser les guerres.  Sur cette terre dite sacrée et depuis tout temps convoquée par les hommes comme berceau de leur peuple et de leur religion s’est crée un véritable échiquier géopolitique où les femmes ne revêtent pas le keffieh pour jeter la pierre mais bien pour prendre la plume. Elles avancent à visage découvert, d’un pas sur et décidé, elles marchent un livre à la main, un cartable sur le dos, entre les balles sifflantes et les jets de pierres. Elles ont compris, en ville ou en plein désert, que l’arme la plus puissante sera le verbe. Dans le camp d’Aqbat Jaber, les femmes forment une unité, une réalité incontournable, un espoir. Elles sont le visage de la lutte pacifique qui consiste à construire des écoles, à éduquer les filles, à accompagner les mères. Mais elles savent aussi que ce sont elles qui font les hommes de demain. Ce sont elles qui inculquent aux garçons la lutte non armée, l’idée de paix, ce sont elles qui les désarmeront. Comme le soulignait Raymond Poincaré «  La paix est une création continue ». 

 

Anne-Sophie COPPIN

Professeur d’Histoire contemporaine

Political and Cultural advisor